Passion des archives et quête du secret | Christine Belcikowski

A lire jour après jour des registres paroissiaux ou civils hérités des siècles passés, on finit par voir la succession des générations comme le déroulement d’une étoffe qui, sur la trame fournie par les naissances, baptêmes, mariages, décès, sépultures, se tisse de patronymes sans commencement ni fin.

Au fil des patronymes qui apparaissent un jour sans autre pourquoi que le sans pourquoi de la vie, foisonnent bientôt, puis se raréfient et disparaissent un autre jour sans autre pourquoi non plus que le sans pourquoi de la vie, on remarque que la prédominance transitoire de certains noms forme dans le continuum du tissu généalogique comme des plages de couleur par endroits, sombres ou lumineuses, c’est selon ; et dans le déploiement mystérieux de ces plages se découvre possiblement au lecteur de telles archives , sur le mode jamesien de l’image dans le tapis — a complex figure in a Persian carpet  —, quelque chose de l’histoire d’une lignée, quelque chose du destin ou de la liberté des personnes qui composent cette lignée, quelque chose du secret qui se réserve dans le sans pourquoi de la vie. Ce genre de découverte que l’archiviste, qui a de la méthode et une âme, quête au prix de longs travaux, toujours ingrats, est, lorsqu’elle advient, de l’ordre de l’expérience insigne que Henry James dit « facially luminous ».

 

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