Les lecteurs de Rousseau vont-ils au cirque ? | Acrobates japonais en France

A la suite d’une recherche sur le site Gallica, avec les termes suivants « Jongleurs du Japon », j’ai découvert ce texte un peu curieux:

ROUSSEAU:

(…)

Le pouvoir se délègue et jamais se partage ;
Direct ou réfléchi, ce rayon même encor
Reproduit sur notre œil son réfrangible essor.
Devons-nous en conclure et prôner la chimère
De voir en lui l’effet d’une triple lumière .
Eh! que dis-je, en dépit de ses pouvoirs rivaux,
Partout du peuple anglais le sang coule à grands flots;
Leur liberté cent ans en fut toute fumante ,
Cent ans sur l’échafaud je la vois expirante ;

Je la vois tour à tour au hasard déployant
De Lancastre ou d’York l’étendard effrayant,
Limiter, en dépit de sa triste balance ,
A changer de tyran sa fière indépendance.
Plus tard du peuple anglais l’impur réformateur
Sur elle épuisera son infâme fureur,
Et sur elle au défaut des bûchers de Marie,
Fondra d’Elisabeth l’atroce hypocrisie.
Enfin, objet d’horreur , de mépris et d’effroi,
Le front marqué du sceau du meurtre de son roi,
Elle accourt, avilie, éplorée et sanglante
Tendre aux fers de Cromwell une main suppliante.
Tout pouvoir est restreint, nul n’est illimité,
Mais il s’anéantit s’il rompt son unité.
Des jongleurs du Japon rivalisant la gloire,

N’allez plus …..

MONTESQUIEU.
Je connais le reste de l’histoire ;
Je sais qu’escaladant leurs classiques tréteaux,
Et d’un enfant en l’air jetant les trois lambeaux,
Je fais tomber aux yeux de la foule ébahie
Ces lambeaux rajustés et l’enfant plein de vie.
C’est ainsi que j’importe , apprenti charlatan ,
Mes tours de gobelet des bouts de l’Orient (1 ) ;
Espérons , croyez-moi, grâce à vos soins prospères ,
Qu’on n’en cherchera plus aux terres étrangères.

(1) Contrat social, liv. ii, chap. ii

Ce dialogue en vers entre Rousseau et Montesquieu fait partie d’un recueil de poésies dont Gallica nous offre ainsi les références (le dialogue occupe les p. 15-47) [1]

É. Forestié, La Société littéraire et l’ancienne Académie de Montauban : histoire de ces sociétés et biographie de tous les académiciens, 1730-1791 (2e édition) (1888), p. 280, nous apprend qui se cache derrière le pseudonyme de l’auteur:

Jacques-Antoine de Molières avait eu deux fils, qui furent militaires comme lui et cultivèrent la poésie avec succès.
L’aîné, Jacques, ancien mousquetaire rouge, né le 4 août 1774, et décédé le 5 mars 1862 à son château d’Espanel fit imprimer à Montauban plusieurs brochures sous le nom de Claude-Simplicien Tyrannicidisky, Constitutioneliski, Constituantiski, et exigea que le tirage ne dépassât pas une dizaine d’exemplaires.
Voici le titre de ces rarissimes brochures:
– Considérations plus ou moins poétiques sur la cause et l’effet de nos plaisirs. — 1828. in-8° de 35 pages.
– Chateaubriand et Béranger. — 1831, in-8° de 39 pages.
– Rousseau de Genève et Montesquieu. — 1844, in-8°, de 74 pages.
– Klerdelune et Klassilanlain, 110 et 2e parties. — 1850-53, in-8° de 133 et 36 pages.
– Domitien, Tacite et Mirabeau, 1″ et 2e parties. — 1851-52, in-8° de 57 et 38 pages.

On peut consulter l’arbre généalogique de Jacques de Molières ici (dressé par Georges PETIT-JEAN).

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