L’Antiquité dans l’univers du bodybuilding : une injonction à quelle(s) virilité(s) ? | Antiquipop

De nombreuses études ont abordé le bodybuilding sous l’angle de la construction des rôles sexuels, masculin ou féminin [1]. Construction problématique, dans la mesure où le body / building, comme son nom l’indique, est une pratique visant à modeler un corps construit qui s’éloigne souvent du corps naturel de départ dans l’optique de le rendre conforme à une image mentale de corps idéal. La pratique du bodybuilding peut en effet intervenir comme une réponse concrète à l’insatisfaction éprouvée devant un corps au naturel jugé trop faible, ancrant l’individu dans les limites de sa part la plus animale et la moins contrôlable. Cette insatisfaction est encore majoritairement le fait de la gent masculine (même s’il existe un bodybuilding au féminin de plus en plus actif), influencée par une sorte de « mythe viril » (J.-J. Courtine) qui lie la virilité à la masse musculaire : l’homme n’est pas qu’un pénis, il est aussi du muscle.

L’influence de ce mythe est aujourd’hui mesurable à l’aune de la fréquentation croissante des salles de musculation par les jeunes gens et surtout les jeunes hommes avides de transformer leur corps pour acquérir une stature plus virile. Les réseaux sociaux, surtout Facebook et Instagram, servent de plates-formes autothuriféraires à ces jeunes bodybuilders [2]. Ils y postent des photos témoignant des différentes étapes de leur progression, ou bien des parallèles-chocs présentant leur corps « avant » et « après » leur transformation physique (parfois qualifiée d’« extrême » tant les résultats sont spectaculaires). Deux tendances s’observent : il s’agit soit de perdre la graisse en trop, qui donne au corps masculin des caractéristiques féminines (seins, poignées d’amour), soit au contraire de gagner en masse musculaire ; un corps trop frêle et fin pourrait là encore s’apparenter à une morphologie plus féminine. Pour être un vrai mec, travaille tes pecs [3] (au risque de trop travailler le haut du corps et pas assez les jambes : on croise ainsi régulièrement des hommes qui sont de véritables armoires au niveau du torse et des épaules, mais avec des jambes à la Donald Duck). L’exaltation de ce nouveau corps est également l’occasion d’une promotion de valeurs traditionnellement associées à la virilité : force, courage, détermination, goût de l’effort, capacité à supporter la douleur sans pleurer (boys don’t cry, c’est bien connu). « No pain no gain » est la maxime qui pourrait figurer au fronton de tous les gymnases des temps modernes : tout le monde n’a pas la chance de Peter Parker, qui se réveille un beau matin et découvre, à la place de son corps rachitique d’adolescent geek binoclard, un physique d’athlète aux abdominaux bien dessinés plus adapté à ses aventures en tant que Spiderman. Pour devenir « énorme et sec » (et non plus « énorme et gras »), selon l’expression fort distinguée du youtubeur Tibo Inshape (jeune bodybuilder toulousain donnant des conseils de musculation sur sa chaîne), la discipline personnelle doit donc être à la mesure de l’ambition.

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