En 1824, Notre Dame de Limoux. Un poème d’Alexandre Guiraud | Christine Belcikowski

Notre Dame de Limoux

Au pied des hautes Pyrénées,
Où l’Aude se promène en un vallon riant,
Limoux, où je naquis, s’élève verdoyant
Sur des plaines, au loin, de pampres couronnées.

Sur un coteau voisin, à la mère de Dieu
Un Ermite, aux vieux temps, bâtit une chapelle :
Et la Vierge propice écoute, en ce beau lieu,
Celui qui souffre et qui l’appelle.

Aussi, près de la niche au grillage doré,
Ceux qu’elle a secourus suspendent leurs offrandes,
L’ancre du matelot sur le flot égaré,
Des bagues, des joyaux, dont on s’était paré,
Quelques fleurs des champs en guirlandes.

Là, quand septembre arrive avec ses douces nuits,
Quand l’angélus du soir tinte dans la vallée,
De pauvres montagnards suivant leur croix de bois
Gravissent saintement la colline isolée,
Où la Vierge les aide en leurs secrets ennuis.

Là, des femmes surtout, à quelque voeu fidèles,
Et des petits enfants, les mains jointes, près d’elles,
Prient tout bas dans l’ombre, un rosaire à la main,
Vers le temple, à genoux, achèvent leur chemin.

Moi, je n’attendrai pas que septembre revienne :
(Eh ! mon Isaure, hélas, doit-elle le revoir ?)
O Vierge ! dès ce jour, j’invoque ton pouvoir,
Mon Isaure est aussi la tienne.

Isaure t’appartient, comme à moi, par son coeur :
Et pourtant, chaque jour, son front se décolore ;
Sauve-la : tu le peux ; et moi, pauvre pêcheur,
Je ne puis que prier, ô Vierge ! et je t’implore.

Prête une oreille amie à ma tremblante voix :
Je veux, durant neuf jours, jusqu’au temple propice
Monter agenouillé lentement, et neuf fois
Réunir ma prière au divin sacrifice.

Et lorsqu’à ton autel, libres de tout danger,
Par un chaste serment nos mains seront unies,
Auteur de ton image elles iront ranger
Nos guirlandes d’hymen, par ton prêtre bénies,
Où le jasmin se mêle aux fleurs de l’oranger.

Alexandre Guiraud. « Notre Dame de Limoux ». In Poèmes et chants élégiaques, p. 62. Chez A. Boulland et Cie, Libraire ; chez Ladvocat, Libraire. Paris. 1824.
De quelle Isaure, vraie ou rêvée, Alexandre Guiraud déplore-t-il en 1824 le trépas, dans le style troubadour ? En 1843, dans son dernier livre de poésie, Le Cloître de Villemartin, il fait allusion à un « drame de sa jeunesse ». On n’en saura pas davantage.

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