MÉMOIRES DISSOCIÉES DE L’ANNÉE TERRIBLE | Mémoire d’Histoire

La guerre franco-prussienne est-elle un événement oublié de l’histoire de France ? Dans un texte publié en janvier 2019, j’ai tenté d’évaluer la réalité et les limites de cet oubli. Cet article a provoqué une question en retour concernant la mémoire de la Commune : l’oubli de 1870 n’est-il pas l’effet d’une volonté d’enterrer le souvenir de l’insurrection ? De fait, tout concourt à montrer le contraire : la mémoire de la « guerre étrangère » fut d’autant plus entretenue qu’elle permettait d’effacer celui de la « guerre civile ». Certes, pour les contemporains, les deux événements faisaient partie de la même séquence historique. Quand Victor Hugo publie l’Année terrible en 1872, le titre qu’il choisit ne renvoie pas à une année civile mais à une période qui va du plébiscite de mai 1870 jusqu’au spectacle des cendres encore chaudes de Paris en juillet 1871. Hugo englobe les « deux sièges de Paris » sans marquer de rupture entre eux dans son texte. Mais, bien partagée, cette approche ne dure pas et la dissociation se fait vite.

La question est donc de savoir comment la mémoire nationale a séparé ce qui relève pourtant de la même histoire. Et pourquoi la mémoire longtemps entretenue de la « glorieuse » (sic) défaite militaire et celle occultée de la révolte populaire débouchent aujourd’hui sur une situation inversée d’oubli de la première et d’entretien de la seconde ? Pour comprendre ce retournement, il faut d’abord rappeler ce qui lie les deux moments de la séquence ; nous verrons ensuite les modalités de la dissociation, puis comment la pérennité de cette séparation s’est enracinée dans la mémoire collective.

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