L’économie des « industries polygraphiques » (2) | Histoire du livre

Pour le dernier jour de l’année 2018, nous poursuivons notre précédent billet consacré aux lignes de force de la géographie des activités polygraphiques à l’époque de la «librairie d’Ancien Régime». Ces lignes de force sont déterminées par des caractéristiques relevant de la géographie générale, mais aussi de l’histoire, et des différentes fonctions à l’œuvre au sein de la branche. Les ateliers typographiques y tiennent bien évidemment une place, moins pourtant que les structures assurant la diffusion et, à terme, moins que la branche de l’édition.
Dans un premier temps, au XVe siècle, les ateliers typographiques essaiment largement à travers l’Europe, mais, après trois ou quatre décennies, le processus de concentration est déjà engagé: un certain nombre de très grands ateliers concentre en effet une proportion croissante des opérations, et ils sont localisés dans quelques centres de premier plan. Parallèlement, le rôle des investisseurs et des capitalistes tend à monter en puissance, notamment à Venise: on rappellera, à titre d’exemple, le nom de Johann von Köln (Johannes de Colonia).
Le rôle de ces investisseurs peut parfois être assimilé à celui des libraires de fonds, comme le montre le cas de Johann Bergmann à Bâle à la fin du siècle. Bergmann, de fait, n’a jamais imprimé lui-même, mais il est à l’initiative de la publication de plusieurs titres novateurs et qui portent sa marque typographique: le plus célèbre est bien évidemment celui de la Nef des fous. Désormais, l’activité d’imprimerie relèvera souvent du travail à façon, tandis que le détaillant écoulera des publications qui ne sont pas les siennes. Au milieu du XIXe siècle, le grand éditeur Joseph Meyer ne fait pas autre chose que souligner la supériorité du statut et du rôle de l’éditeur, lorsqu’il avertit son fils, Hermann (1826-1909), lequel s’établit un temps à New York après les événements de 1848:
«La librairie d’assortiment (…) ferait de toi un détaillant, et userait tes forces dans de petites affaires et des soucis mesquins, qui devraient bientôt dégoûter un homme ayant ton ambition et tes capacités. C’est comme éditeur, comme commerçant en gros de livres, que tu te créeras un cercle d’activités, et c’est seulement de cette manière que tu pourras en trouver un qui te suffise et qui te satisfasse. Tu ne dois pas charrier des pierres comme journalier pour construire la tour de Babylone, (…) non! Tu dois être chef des travaux et architecte, et élever un temple pour l’ennoblissement et l’amélioration de cette fraction de l’humanité à laquelle est dévolue la mission de faire progresser et de défendre la civilisation.»

[...]

Consulter la suite de : L'économie des "industries polygraphiques" (2) | Histoire du livre